Sauve qui peut
Deuxsomnie, quand tu nous tiens.
Comme d'habitude, ça virevolte autant que des jambes au french cancan, l'impression que ce corps est trop petit pour toutes mes pensées. Il y a beaucoup de choses, qui par apparence sont indépendantes, mais qui s'alimentent.
J'ai recroisé mon père il y a quelques temps. Un visage que je n'avais pas revu depuis une dizaine d'années, au moins. C'est super étrange, cette manière dont je l'ai reconnu avant même de voir sa tête -- il a changé. J'ai reconnu son aura, même s'il était à quelques mètres. Je l'ai ressenti, que quelque chose clochait, mon inconscient a du voir quelque chose sans que je ne me rende compte. Et je suis redevenue enfant.
Je n'avais presque pas de paroles, que des instincts primaires. De violence, principalement. L'envie d'attaquer avant d'être attaquée à nouveau. L'envie de mordre la première.La réaction, en soit. C'est marrant, parce que dans mes rêves, on se croise souvent, lui et moi, et j'ai beaucoup de recul. J'arrive à le ridiculiser. J'arrive à me sentir forte. Alors que dans la réalité, je subis encore sa présence. Moins qu'avant -- je n'ai pas pleuré. Fierté. Mais je réagis toujours. Ca m'a perturbée. Cela reste une turbulence -- de moins en moins contraignante, mais qui empêche la sérénité tout de même.
On me parle de pardon, mais je ne crois pas être prête. Pour moi, il y a des choses qui ne peuvent être pardonnées. Enfin, que je ne peux pardonner. J'ai pardonné à beaucoup de personnes, déjà. Et j'ai réussi à accorder mon pardon par le passé, je sais donc que j'en ai la capacité. Là, c'est peut être plus une question de choix. Le choix de lâcher prise.
Encore une fois, c'est un concept avec lequel j'ai beaucoup de mal -- on m'a appris que ne pas être vigilant, c'était être fautif. On m'a appris à être responsable de mes actions, à en payer le prix. Mais c'est aussi quelque chose que j'arrive à faire, par moments très succincts.
Mais lâcher prise et pardonner, ça passe d'abord par accepter. C'est là où le bât blesse. Accepter, ça rend la peine réelle, et, pfiou, ça fait une dizaine d'années que je l'enfouis. J'ai accepté une partie de mon histoire, j'ai laissé tomber les Et Si imaginaires, il y a une partie de moi qui est contente de ce j'ai réussi à faire en dépit de. Mais j'ai toujours beaucoup de mal à accepter l'injustice, et c'est là où j'ai du mal. C'est comme si je n'avais plus mal pour moi, mais que j'avais mal au delà de moi. J'ai l'impression que si j'accepte l'injustice, alors je suis impuissante, et je refuse de l'être également.
A moi de répondre à certaines questions. Est-ce qu'accepter, c'est arrêter de se battre ? Est-ce qu'accepter, c'est consentir ? Est-ce que se battre contre l'injustice fait maintenant partie de mon égo profond -- alors que c'est vain vu que je contrôle pas encore le monde (malgré une accoutumance infantile certaine à Minus & Cortex) ? Ma colère m'a sauvée, à bien des moments, alors même si je sais qu'elle n'est pas tout le temps bénéfique, est-elle intrinsèquement mauvaise, et devrais-je arrêter de la ressentir ? Quel est le juste milieu entre accepter ses défauts, travailler dessus, ou les éradiquer -- devenir la miss parfaite que j'aimerais être ?
Et, une fois ce juste milieu trouvé, par où commencer ? Par quel pan, en fait ? Par quel fil je déroule ? Comment je trouve en moi la force de pardonner des actes qui m'ont enlevé une partie de moi que je ne retrouverais jamais ?
Pour moi, le pardon, ça commence par comprendre. Et il y a des choses que je ne veux pas comprendre, je pense. Déjà parce que les auteurs eux-mêmes manquent d'explications valables à me fournir. La violence va rarement de pair avec la communication. J'arrive tout juste à ne pas être violente avec moi-même, j'arrive tout juste à dépasser les schémas appris pour ne pas répéter le cycle, c'est (je crois) tout ce que je peux faire de mon côté. C'est tout ce que je contrôle avec mes petites mains et mes petits neurones. C'est ma part. Alors, ne serait-ce toujours pas suffisant ?